Balades secrètes : explorer les ruelles et passages cachés de Castelnaud-la-Chapelle

22 juin 2025

Le plan du village médiéval : comprendre l’organisation pour mieux s’égarer

Castelnaud-la-Chapelle s’adosse à un promontoire calcaire dominant la confluence de la Dordogne et du Céou. Sa disposition médiévale, héritée des XIII et XIV siècles, conditionne un réseau complexe de ruelles étroites. La plupart rayonnent à partir du château ou serpentent en suivant la courbe du relief naturel.

  • Les ruelles principales suivent trois axes : la montée du château, la rue centrale et la descente vers le vieux port.
  • Plus de 15 venelles et escaliers publics connectent discrètement ces axes : certains sont indiqués par la commune, d’autres restent sans nom officiel.
  • Les passages couverts, appelés « passes », témoignent de l’architecture défensive autrefois essentielle pour se replier derrière des portes en cas d’attaque.

Pour les visiteurs, repérer les entrées de ces passages revient à décrypter le passé « domestique » des pierres, mais aussi à saisir la manière dont les habitants se sont adaptés au terrain abrupt.

Des ruelles incontournables pour découvrir l’âme de Castelnaud

La montée du Château : l’axe central et ses bifurcations

La « montée du Château » relie la place principale au sommet défensif. Il s’agit d’un itinéraire célèbre : étroit, pentu, longé de maisons alignant leurs pierres blondes et leurs balcons fleuris. Pourtant, au fil de la balade, plusieurs passages secondaires attirent l’œil :

  • La traverse Saint-Michel : escalier abrupt taillé dans la roche calcaire, il offre des points de vue inattendus sur la vallée de la Dordogne. Au printemps, la glycine enveloppe ses rambardes d’un parfum entêtant.
  • Le vieux Passage du Relai : cette venelle, dérobée derrière une porte de bois, menait à l’ancienne auberge qui ravitaillait jadis voyageurs et colporteurs. Aujourd’hui, sa surface irrégulière garde la mémoire des sabots.

La rue du Thou : art de vivre en pente douce

  • Rue du Thou : Son nom vient du mot occitan désignant le tilleul (« tilh »), arbre-témoin du passé, planté autrefois pour marquer les lieux de vie communautaire. C’est ici qu’on croise encore les anciens à l’écoute des heures du clocher. La rue conserve deux des plus vieux lavoirs du village, dont l’un date du début du XIX siècle (source : Mairie de Castelnaud-la-Chapelle).
  • Des portes minuscules s’ouvrent sur d’antiques celliers. Remarquer les linteaux gravés de symboles agraires, dont certains datent de la Révolution.

Le Passage des Buis : discrétion végétale et refuge pour les oiseaux

À flanc de coteau, ce sentier resserré entre deux talus de buis a longtemps servi de raccourci pour les habitants du hameau du Pech, montant chaque matin au marché. Situé à l’écart des circuits touristiques principaux, le Passage des Buis offre :

  • Un microclimat ombragé, idéal pour observer mésanges et rouges-gorges, surtout à l’orée du printemps.
  • L’accès à la petite fontaine Saint-Joseph, récemment restaurée (travaux achevés en 2021), autour de laquelle s’organisait la fête locale de l’eau jusqu’aux années 1950 (témoignages recueillis, collectif Mémoire du village).

Passages cachés : secrets, légendes et regards sur l’histoire

Vestiges défensifs au détour d’un passage

Certains passages secrets trahissent leur ancien usage de voies de fuite ou de surveillance. Parmi eux :

  • Le souterrain de la Porte de la Gardelle : d’accès restreint, il descendait au niveau du Céou, permettant en cas de siège d’accéder à l’eau sans être vu. Repéré par un linteau en encorbellement, ce tunnel fut redécouvert lors de travaux en 1983 (source : travaux archéologiques, revue Aquitania n°45).
  • Passe de la Sarrasine : on raconte qu’un guetteur y sonnait la cloche d’alerte à l’approche des Anglais lors de la guerre de Cent Ans. Les pierres encore noircies témoignent d’un incendie survenu en 1793.

Petits mystères au détour des rues

  • Au coin de la ruelle du Cassan, un bas-relief énigmatique, figurant un poisson et une étoile, intrigue encore les passants. Selon une étude du CNRS (2018), il s’agirait d’une ancienne marque de tailleur de pierre, typique du Quercy voisin, preuve des échanges artisanaux entre provinces.
  • Les escaliers du Quai des Bateliers, quant à eux, offrent une échappée sur l’histoire du port d’embarquement des gabarres. Jusqu’en 1913, on chargeait ici la noix séchée, expédiée vers Bordeaux (source : Archives départementales de la Dordogne, 3 C 200/5).

La vie quotidienne dans les passages : témoignages et usages au fil du temps

Les ruelles de Castelnaud-la-Chapelle ne sont pas qu’un décor préservé : elles pulsaient (et pulsent encore par endroits) au rythme des rencontres, des petits commerces de proximité, des fêtes villageoises.

  • Jusqu’aux années 1970, le passage de la Chenevière reliait le cœur du bourg au champ de chanvre où l’on préparait la matière première du tissu local, célèbre jusqu’au début du XIX siècle.
  • Les venelles vers le quartier de la Fontbasse voyaient passer les porteurs d’eau—les « fontainiers »—qui, jusqu’à l’arrivée de l’eau courante en 1957, distribuaient des seaux de source aux habitants. Certains vieux habitants évoquent encore le tintement des seaux sur les pavés par les matins d’hiver.
  • Des passages tels que la Venelle de l’Église servent encore, discrètement, de raccourcis pour les aîné·e·s, notamment les jours de pluie ou pour accéder aux messes dominicales.

Idées d’itinéraires pour explorer les passages cachés

  1. Le circuit « Ruelles et points de vue »
    • Départ : Place principale.
    • Montée du Château, bifurcation vers la traverse Saint-Michel, retour par le Passage des Buis.
    • Arrêt conseillé à la fontaine Saint-Joseph et au panorama du Relai.
    • Durée : 1 h 15, dénivelé modéré (80 m).
  2. Balade « Sur les traces des bateliers »
    • Départ : Quai des Bateliers.
    • Remonter la ruelle du Cassan, rejoindre la Porte de la Gardelle et gagner le cœur du bourg par la rue du Thou.
    • Détours possibles vers les anciens celliers et les lavoirs.
    • Durée : 1 heure, idéal en fin d’après-midi.
  3. Parcours « Petites histoires, grandes pierres »
    • À entreprendre avec un guide local pour saisir les anecdotes et les détails souvent invisibles au regard non averti (infos sur les visites guidées proposées par l’Office de tourisme).

Conseils pratiques pour profiter au mieux des passages cachés

  • Prévoir des chaussures antidérapantes : certaines pierres restent glissantes après la pluie.
  • Se munir d’une petite lampe en soirée : l’éclairage public est volontairement modeste pour préserver le charme nocturne.
  • Respecter la quiétude des lieux, surtout le matin : beaucoup d’habitants profitent encore de leurs pas matinaux pour aller au fournil ou au marché.
  • Photographier les détails de ferronnerie ou de sculpture : chaque passage est unique jusqu’aux heurtoirs et aux margelles.

Un patrimoine vivant à explorer autrement

Explorer les ruelles et passages cachés de Castelnaud-la-Chapelle, c’est voyager dans un village où histoire, topographie et usages d’hier comme d’aujourd’hui dialoguent à chaque pas. En prenant le temps, on saisit mieux pourquoi le patrimoine des passages médiévaux est une ressource précieuse, reconnue par le label « Plus Beaux Villages de France » depuis 1982 (source : Les Plus Beaux Villages de France). Ce réseau discret, sans cesse redécouvert, façonne l’attachement des habitants à leur territoire et invite les visiteurs à changer de rythme—pratiquer l’art de la déambulation, ouvrir l’œil aux détails, s’ancrer, un instant, dans la boucle silencieuse du Périgord Noir.

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